vendredi 13 juin 2008

Ailleurs commence ici..

Et l'on parle de tragédie pour des vacanciers bloqués dans une tempête de neige ; et l'on nomme naufragés ces voyageurs dont le train arrive avec plusieurs heures de retard ; et l'on qualifie d'otages ces usagers subissant les contrecoups d'une grève... Désagréments certains, inconforts incontestables, énervements justifiés. mais alors quels mots reste-t-il pour dire la vie de ces hommes et femmes dont le quotidien n'est que famine, guerre, épidémies ?

Marie G. - Afghanistan 2004

Et si le geste du clown, aux antipodes de cette emphase obscène, tentait justement d'affronter l'indicible horreur de certaines vies et l'insupportable bêtise de ce monde, en bricolant un langage qui autorise qu'on en sourit ? S'il témoignait d'une salutaire capacité à délester le désastre par la dérision, à redonner du sens par la légèreté ? En funambule modeste des émotions, le clown dialogue avec la Mort. Il n'empêche pas le drame, mais le détourne de sa mortifère mise en boucle ; il ouvre une brèche...

Marie G. - Afghanistan 2004

L'engagement nécessaire des Clowns Sans Frontières, contribue cinquante ans après à faire résonner les mots d'Albert Camus recevant le Prix Nobel de littérature : "L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes... L'artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher... Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou sinon, le voici seul et privé de sont art".

Christophe Blandin-Estournet, membre de CSF depuis 2002